Je ne poste plus rien en ce moment parce que je regardais un peu ce que faisait Godard et quelques autres. Il ne m’a pas vraiment enthousiasmé, mais tous ses films sont conduits de main de maître.
À BOUT DE SOUFFLE
1960
Jean Paul Belmondo incarne un petit malfrat qui se retrouve obligé par les circonstances d’abattre un policier. Il est dès lors recherché par les autorités. De retour à Paris ou il attend une somme d’argent pour fuir en Italie, il presse la femme dont il est amoureux de le suivre. Cette femme c’est Jean Seberg, une américaine qui vend des journaux dans la rue et souhaite devenir journaliste. La petite tête blonde ne minaude jamais, elle n’a pas besoin de ca pour être belle. Elle mordille ses longs doigts lorsqu’elle est nerveuse, balance sa nuque sans exagération, sans facétie, fume un peu trop et joue de cet accent d’outre manche qui la rend si charmante. Ses yeux sont beaux. Elle porte des lunettes à la fois intellectuelles et fantaisistes. C’est l’un des caractères féminins les plus indépendants de J.L.G. , c’est l’un de ceux qui en fait le moins.
UNE FEMME EST UNE FEMME
1961
Ou comment celebrer les petits bouts de femmes
Une ode aux rapports amoureux. Le trio Jean Paul Belmondo (Alfred) Anna Karina (Angela) et Jean Claude Brialy (Emile) portent cette comédie romantique ou tout est sujet à s’attendrir. Angela est une jeune femme espiègle et orgeuilleuse qui travaille dans un cabaret de strip tease. Elle voudrait un enfant. Son compagnon Emile, pas plus que ca. Mais Alfred, sulbaterne amoureux d’Angela pourrait convenir.
Encore une fois un film très rafraichissant qui dépeint avec humour les maladresses et les tendresses des amants livrés a leurs caprices mutuels. Le portrait féminin d’Angela est très réussi.
On a parlé des « Années Karina » pour englober cette période ou Godard ne filme qu’Anna. Leur relation fut celle d’un créateur et de sa muse et leurs deux personnalités se sont mutuellement inspirées tout au long de leur carrières respectives. J’ai trouvé un article qui l’explique très bien sur le site Hors Champs : Le Portrait Ovale, Notes et remarques sur la performance d’Anna Karina dans les films de Jean-Luc Godard
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VIVRE SA VIE : FILM EN DOUZE TABLEAUX
1962
Le film fait reparler de lui dans le cadre de sa rediffusion dans les cinémas Parisiens. J’en ai profité pour le voir sur grand écran.
Il a été tourné immédiatement après « Une femme est une femme » et développe le thème du commerce des corps, dejà abordé avec le cabaret qui proposait des strip tease a la bonne franquette autour des nappes a carreaux rouges.
Godard établit une analogie discrète entre la condition d’actrice et celle de fille de joie.
Dans Vivre sa vie : Portrait en douze tableaux, Nana, jeune vendeuse de disques sans le sou (Anna Karina toujours) décide de se prostituer. Elle rencontre un proxénète qui lui apprend les ficelles du métier . De nouveau la légèreté de ton tranche avec la dureté des événements : la simplicité apparente avec laquelle Nana traverse sa nouvelle vie.
Nana y est ingénue mais c’est un peu triste. Elle est tendre, belle, un peu idiote et lorsqu’elle philosophe sans le savoir on revoit des générations de copines aux grands yeux curieux qui se lançent dans des conversations trop ambitieuses pour elles. Nana est un personnage qui ne peut plus exister aujourd’hui. Elle est intelligente.
C’est la vie elle même !
C’est la détresse de sa beauté, de ses yeux, ses airs et sa bouche qui font du film un tableau. Une détresse anonyme, legere et universelle , la mélancolie non recherchée d’un oeil de femme ou tous les poètes viennent boire et chercher du sens. Et lorsque’il n’y en a pas, il suffit de rire un peu, de danser..
Mon moment préféré du film c’est l’autre film, Jeanne d’Arc.
LE MÉPRIS
1963
Ou comment détester de plus en plus son mari
L’histoire d’une femme, Camille, qui cesse d’aimer son mari , l’écrivain Paul Javal, parce qu’il ne fait pas grand cas du fait qu’elle soit convoitée par d’autres hommes. Plus que du désamour, le jaillissement du mépris. J’ai toujours trouvé que le sentiment en question était grandiloquent, et même assez artificiel dans le film, sans doute uniquement choisi pour la poigne du mot en lui même . C’est un beau titre, assez précieux mais court et chargé de sentence.
Plus sombre qu’à l’ordinaire, Brigitte Bardot offre probablement un de ses meilleurs rôles. Elle adopte une posture stoïque ou seul ses regards chargés de courroux et de désarroi laissent transparaitre son bouleversement intérieur
L’histoire est riche de paysages somptueux, italiens et calcaires. Le film se passe en premier temps a Rome, puis a Capri. L’environnement est celui du cinéma cosmopolite : les protagonistes sont des auteurs et des producteurs qui travaillent sur le projet d’une Odyssée filmée. Ce thème antique influence en grande partie l’ambiance du film et lui donne beaucoup de cachet. La musique de Georges Delarue, ample, magistrale, dramatique contribue par ailleurs à faire du Mépris un bel objet tragique.
J’aime particulièrement la qualité des angles et des vues d’intérieur, notamment dans l’appartement occupé par le couple, ou la rupture et l’incompréhension entre les deux personnages se lit en filigrane de leurs mouvements décalés et de leurs alternances. Les films de J.L Godard sont toujours très bien chorégraphiés, et c’est peut être leur première qualité.
Le thème du couple, sujet de prédilection chez Jean Luc Godard est ici exposé plus sourdement qu’à l’ordinaire . Là ou ses comédies romantiques transforment la relation amoureuse en un chassé croisé de badineries legères et d’idées recues sur les hommes et les femmes , le Mépris relate la destruction concrète d’un couple basée sur la multiplication irréversible des malentendus et des soupçons.
L’excellent article du cine -club de Caen sur le film propose une problématique pertinente : « comment peut-on passer en une fraction de seconde, entre deux plans, de la méprise au mépris, d’une désynchronisation imperceptible à un renversement des sentiments. Godard se sert du cinéma non pour nous expliquer, comme dans le cinéma des scénaristes, mais pour comprendre en nous donnant à voir. Expérimentateur, il agrandit ce dixième de seconde et ce petit espace entre un homme et une femme à l’échelle du cinémascope et d’un film d’une heure et demie?«
La deuxième réflexion du film porte sur la production artistique et ses difficultés contemporaines. Reflexion portée par Fritz Lang qui incarne le réalisateur de l’Odyssée dans le Mépris.
PIERROT LE FOU
1965
Ou comment vivre de Poésie amoureuse et d’eau fraiche
Le film est presque comédie musicale.
Lorsqu’il est sorti dans les salles de cinéma françaises, il était interdit au moins de 18 ans pour « anarchisme intellectuel et moral ».
Il faut s’imaginer le mythe des amants en cavale revisité à la française et ne rien en attendre de subversif. Certes, Godard n’est pas un violent. Il s’évertue pourtant a suggérer partout la violence, mais avec légèreté. Il y a des malfrats, des meurtres, des accidentés de la route et des flingues partout pour jurer avec le décor. Ses personnages meurent toujours de la même manière, coup de pistolet en plastique et héros qui titubent quelques minutes avant la fin. Le coté irréaliste ajoute sans doute au charme de ses films. C’est un film mignon dont il émane beaucoup de fraicheur. C’est aussi un film très communicatif.
La naïveté du couple de personnages en fait deux enfants épris de liberté, vastes de leur innocence. Ferdinand (Jean Paul Belmondo, adorable au possible) s’ennuie dans sa vie de bourgeois parisien et aspire à l’absolu, au grand air, à la poésie d’une vie dangereuse. Justement, il s’avère qu’il rencontre – de nouveau- Marianne, la nounou de ses enfants (Anna Karina, adorable au possible) . Elle est la soeur d’un gangster , et va entrainer Ferdinand vers le Sud pour une épopée touchante. Car tout à coup, ils s’aiment et les voilà sur les routes traqués par des bandits. Ils volent des voitures et distraient les passants en jouant de petites scénettes pour gagner leur pain. Ils chantent. Ferdinand écrit de la poésie. L’histoire est aussi peu crédible que leur existence. Le film se veut très poétique et multiplie les références littéraires ambitieuses. Mais c’est conjuguée à la bruyère méditerranéenne, à la campagne et à la mer que « Pierrot le fou » devient réellement poétique. Godard embrasse l’éternel fantasme de la fuite en avant , recueille tous les clichés du genre pour réaliser sa version de la bohème. Le tableau est chatoyant, mais posé très de travers dans la galerie des road trips au Cinéma.